Qu’importe l’ivresse pourvu qu’on ait le flacon. « C’est alors qu’un des policiers m’a pris par le bras et m’a demandé mes papiers. Je lui ai donné mon permis de conduire, il l’a mis directement dans sa poche et m’a déclaré : « vous êtes ivre, on vous embarque ». Il m’a pris les bras pour me mettre les menottes, puis m’a fait rentrer dans la voiture. Mon ami a essayé d’ouvrir la portière, il a été repoussé. J’ai donc voulu atteindre mon téléphone qui était dans mon sac en bandoulière afin lui téléphoner. Dès le début de ma conversation avec lui, le policier qui m’avait fait rentrer dans la voiture, m¹a violemment pris mon portable, et l’a posé à l’avant du véhicule. Le jeune et son copain se sont ensuite assis à côté de moi, les menottes attachées derrière le dos eux aussi. Puis, ils ont démarré et nous ont emmené. »
Allers-retours. La mésaventure ne fait que commencer : la police embarque tout le monde. Direction le Commissariat Auvare : « là-bas, nous avons attendu puis nous sommes repartis à l’hôpital Saint-Roch. Aucune explication de la part des policiers ne nous a été fourni. On a été emmené dans le hall parmi les malades, menottes aux poignets, c’est là que j’ai reconnu un ami hospitalier. Il n’a vraiment pas compris pourquoi j’étais là, mais on n’avait pas le droit de parler. Ensuite, ils nous ont demandé de les suivre. » Les deux jeunes sont alors conduits dans une salle ouverte. Tania Cognée reste dans le couloir peut observer ce qu’il se passe. « Apparemment il s’agissait d’un contrôle au niveau des drogues prises. Par la suite, c’était apparemment à mon tour, j’étais la seule fille et un des hospitaliers a déclaré à la police : « je ne peux lui faire l¹examen devant vous », l’agent n’a rien dit et a suivi. Je suis rentrée dans une pièce avec l’hospitalier qui m’a demandé si j’avais bu et qui m’a ausculté. Je n’ai subi aucun alcootest. Ensuite, les policiers nous ont à nouveau emmené dans le véhicule et nous sommes retournés au Commissariat Auvare. Là, ils nous ont mis dans une salle, attachés à une barre comme de dangereux criminels. Nous n’avions pas le droit de parler. Un des jeunes m’a adressé la parole, l’un des policiers est venu et lui a recommandé de ne plus le faire ; il a osé récidiver et le flic lui a pris le visage violemment en le menaçant. Puis, les deux jeunes ont été emmené, après ça je ne les ai plus vu. »
Ne penses pas et dort ! Pour Tania Cognée, le cauchemar ne fait pourtant que commencer. Elle reste assise, répondant aux questions que lui posent le policier. Elle attend. Les heures passent : « je pensais signer un procès-verbal et rentrer chez moi, pas du tout… L’agent m’a emmené dans un autre endroit du commissariat, le policier qui m’avait embarqué était présent lorsque l’autre a vidé mon sac, puis j’ai signé un papier sur lequel était écrit tout ce que contenait mon sac. J’ai demandé si je pouvais rentrer chez moi. Ils m¹ont dit « non », j’ai insisté pour téléphoner à mon ami, ils m’ont dit « plus tard ». Puis on m’a enfermé dans un trou sordide : une pièce de quelques mètres carré, sale, avec un trou dans le sol pour uriner, sans chasse. Cela puait la pisse. J’ai réalisé que j’étais enfermée. Mais pour combien de temps ? Je n’en savais rien. Je ne pouvais dormir, j’ai donc tapé à la porte et appelé afin de boire de l’eau. Personne n’est venu. J’ai continué, mais en vain… Puis, j¹ai lu sur le mur un mot qui m’a interpellé : « Ne penses pas et dort ! ». Je n’ai pas pu m’endormir, tout tournait dans ma tête. Je me demandais ce qui m’arrivait, pourquoi j’étais là, etc. Je me levais, espérant que quelqu’un allait m’ouvrir en m’entendant… »
Au petit jour… Huit heures du matin : un agent débarque. « Qu’est-ce vous voulez ? », demande-t-il à Tania Cognée, presque étonné de la trouver là. « Je lui ai dis que j’avais soif. Après son discours moralisateur, il m’a emmené boire. Dans la salle, il y avait une fenêtre et quand il a voulu me remettre en cellule, je refusé de retourner dans ce trou à rat. Alors, il m’a emmené dans une autre cellule, sans l’odeur de pisse, mais aussi sordide. J’ai attendu encore une heure, puis le même agent est venu me libérer. J’ai récupéré mes affaires. J’ai signé le procès verbal où était écrit : « j’ai bu une bouteille de vin rouge au restaurant ». Le policier qui m’a raccompagné à la sortie n’a pas voulu me fournir l’identité de mes « rapteurs ».
Joies du libéralisme d’en bas. Tania Cognée aura donc fait un petit séjour au cachot. Elle n’avait pourtant à se reprocher aucun tapage nocturne, elle n’avait insulté personne, elle voulait simplement savoir ce qui se passait après avoir vu un jeune se faire frapper en bas de son domicile : « Il y a une répression naturelle effectuée par le gouvernement sur la jeunesse, les collectifs, tous les publics qui sont hors marchands. » Par la suite, Tania Cognée devait apprendre que l’altercation avait eu lieu car le jeune avait lancé une insulte au passage du véhicule de police devant l¹église. « Méritait-il pour autant des coups ? Et tout journaliste n’est-il pas de par son métier dans la nécessité de se porter témoin d’un événement ? Que penser d’un système où les forces de l’ordre mettent en cellule de dégrisement un journaliste qui a le malheur de s’intéresser de trop près à un « simple » contrôle de police ? Avait-on besoin, nous, en tant que témoins de voir cette violence de la part de ceux qui devraient nous protéger ? Ces jeunes n¹étaient pas des trafiquants, ni des voleurs, ni des criminels. Non, juste des jeunes ! »
source : http://fr.vianice.net