M. Raffarin cherche à revoir le salaire des ministres à la hausse

Parler du salaire de ses ministres ? Jean-Pierre Raffarin n’entend pas épiloguer sur le sujet au moment où « la France d’en haut » est soupçonnée d’être trop bien servie par le premier ministre.

L’absence de coup de pouce sur le smic, la hausse de l’essence et des tarifs publics et la baisse de l’impôt sur le revenu, qui profite essentiellement aux plus aisés, sont dans tous les esprits. Bien plus que la question du traitement des ministres, sensiblement réduit depuis la suppression de la part des fonds spéciaux affectée aux rémunérations des membres du gouvernement… Ce lundi 22 juillet, le premier ministre arpente son bureau, comme il le fait lorsqu’un sujet le préoccupe. « Ce n’est pas une priorité. Nous n’avons pas pour objectif de traiter ce dossier », souligne-t-il.

Du coup, c’est le sénateur PS, Michel Charasse, qui semble être venu mettre un terme à l’embarras du premier ministre. Son amendement, adopté mardi 30 juillet, par le Sénat propose d’aligner les rémunérations des membres du gouvernement sur celles des parlementaires et de mettre « un terme à une situation malsaine et indigne ». Le traitement brut mensuel des ministres serait égal au total des indemnités allouées aux députés et aux sénateurs (indemnités parlementaires, de fonction et de résidence). Le premier ministre percevrait un traitement supérieur de 60 % à celui de ses ministres. A cela s’ajouterait une « allocation pour frais d’emploi » non imposable au moins égale « à la plus élevée des deux indemnités représentatives des frais de mandats » des parlementaires. L’amendement, voté avec le collectif budgétaire, et sur lequel les sénateurs socialistes se sont abstenus, devait être examiné, mercredi 31 juillet, en commission mixte paritaire.

Depuis la réforme des fonds spéciaux, votée par le Parlement à l’automne 2001 et entrée en vigueur le 1er janvier, les ministres y compris le premier d’entre eux ne disposent plus d’enveloppes leur permettant d’accORDER à eux-mêmes et à leurs conseillers des « compléments » de salaire en liquide. « La situation est claire pour nos collaborateurs, elle ne l’est pas pour nous », résume le ministre des affaires sociales, François Fillon.

Inquiet de ses retombées sur l’image de l’équipe Raffarin, Matignon contrôle de près la communication sur ce dossier, sans avoir besoin d’en faire trop : rares sont les ministres qui acceptent de l’aborder. « C’est un sujet dont on ne parle pas », assure M. Fillon. S’ils en parlent peu, ils y pensent beaucoup, n’appréciant guère d’être les premiers à faire les frais de la réforme inachevée des fonds spéciaux. « C’est la première fois dans l’histoire de la République que les membres du gouvernement sont aussi peu rémunérés », s’irrite l’un d’eux. Il s’emporte contre cette « hypocrisie française » qui voudrait, selon lui, instituer « un gouvernement de sans-culottes où on serait payé au smic. Un jour, il faudra disposer d’une fortune personnelle » pour assumer cette charge, conclut-il.

Un « gouvernement de smicards » n’est pas pour demain. M. Raffarin perçoit 6 541 euros nets par mois, auxquels s’ajoute une « indemnité représentative de frais » de 2 860,64 euros, selon Matignon. C’est beaucoup moins que Tony Blair ou Gerhard Schröder. Outre des avantages en nature tels que l’appartement ou la voiture de fonction, un ministre gagne 5 445,68 euros (plus 1 301,55 euros d’indemnités) s’il n’est pas fonctionnaire ce qui est le cas de la plupart d’entre eux. Là encore, cette rémunération est moins élevée que celle de leurs homologues britanniques ou allemands, ce que n’hésitent pas à relever certains ministres. Leurs émoluments sont également inférieurs à ceux des députés, qui gagnent 4 878 euros par mois, auxquels s’ajoute une prime défiscalisée pour frais de mandat de 5 335 euros.

Cette différence n’a pas échappé aux 21 membres du gouvernement (sur 38) qui siégeaient au Palais-Bourbon avant leur nomination… La situation est comparable pour les 4 sénateurs et les 2 députées européennes devenus ministres. « Je gagne aujourd’hui 40 000 francs nets par mois. Avant, je touchais 55 000 francs », concède du bout des lèvres M. Fillon, ancien président de la région Pays de la Loire, député et maire de Sablé (Sarthe). « J’ai perdu entre 2 500 et 3 000 euros par mois », reconnaît Gilles de Robien, ministre de l’équipement et des transports, ex-député de la Somme et maire d’Amiens. A Bercy, Francis Mer gagne onze fois moins que lorsqu’il était coprésident d’Arcelor, numéro un mondial de la sidérurgie.

« LEVER LE TABOU »

Les membres de l’équipe Raffarin estiment avoir d’autres raisons de plaider leur cause : certains soulignent qu’ils sont moins bien traités que leur directeur de cabinet ou que des hauts fonctionnaires de leur administration ; d’autres se réfèrent au traitement du plus haut fonctionnaire de l’Etat, le vice-président du Conseil d’Etat (137 000 euros par an). Le précédent des 136 conseillers de Paris, qui ont décidé, le 8 juillet, de s’accORDER une augmentation de 20 % à compter de la fin du mois d’octobre (Le Monde du 11 juillet), les incite à penser que le « tabou » pourrait être levé sans danger.

« Si une décision est prise dans le sens d’un rééquilibrage, cela ne serait pas anormal, compte tenu de nos charges de travail et de nos responsabilités, souligne M. de Robien. Je ne demande rien, mais je trouverais juste et équiTABLE qu’on soit payé comme un haut fonctionnaire. Toute peine mérite salaire, toute responsabilité mérite traitement. Les Français peuvent le comprendre. » De prime abord, M. Raffarin en convient : « Nous saurions l’expliquer à l’opinion. J’ai confiance en notre capacité pédagogique », soutient-il… avant de réaffirmer aussitôt que rien n’était décidé en la matière.

Avant que l’amendement de M. Charasse n’ait été adopté par les sénateurs, deux principales pistes étaient à l’étude depuis la réforme des fonds spéciaux. La première, préconisée par Florence Parly, secrétaire d’Etat au budget dans le gouvernement Jospin, était d’aligner la rémunération des ministres sur celle du haut fonctionnaire le mieux rétribué, en l’occurrence le vice-président du Conseil d’Etat ; la seconde consistait à calquer le régime des députés, en attribuant aux ministres, en plus de leur salaire de base, une prime défiscalisée. C’est visiblement l’option qui a été retenue…

Les « sacrifices » de Francis Mer

En s’asseyant dans le fauteuil de ministre de l’économie et des finances, Francis Mer a sacrifié son salaire : il gagne onze fois moins qu’à la co-présidence du groupe sidérurgique Arcelor. Dans son édition du 17 juillet, Le Canard enchaîné indique qu’en 2001, il touchait 684 000 euros de salaire de base par an et 351 000 euros de primes. A cela s’ajoutaient 36 000 euros d’avantages en nature, sans compter les 325 000 stock-options accumulées depuis 1995 et d’une valeur moyenne de 13 euros.
Une situation incomparable au regard de ses émoluments de ministre : depuis sa nomination à Bercy, le 7 mai, M. Mer perçoit 81 000 euros nets par an (hors avantages en nature).

source : www.lemonde.fr

Auteur de l’article : comitedentreprise.com