Tout cela ne relève pas du gouvernement, objectera-t-il. Avec raison. Il est victime d’une réalité dont il n’a qu’un faible contrôle. Les collectivités locales doivent financer des réformes de Lionel Jospin, comme l’aide personnalisée d’autonomie. Et beaucoup des entreprises de service public (La Poste, EDF, la RATP) avaient été sages ces dernières années, et leurs demandes de hausse se rejoignent aujourd’hui parce qu’elles veulent se désendetter ou rattraper l’inflation.
Mais il n’empêche. Si l’argent rentre dans des caisses différentes services publics, trésoreries régionales, départementales ou locales , cet argent sort d’une même poche : celle des Français. L’effet désagréable créé risque de gâcher le bénéfice dont voulait profiter le gouvernement avec ses 5 % de remise d’impôt ; bénéfice politique d’abord, mais aussi bénéfice économique, la baisse devant remonter le moral du consommateur et l’encourager à entretenir la croissance.
Les sommes en jeu sont en effet très comparables : la baisse d’impôt est estimée à 2,55 milliards d’euros. L’abandon de la taxe pétrolière (TIPP) « flottante » va coûter 1,2 milliard d’euros aux automobilistes. Alain Lambert, qui a promis de veiller « personnellement » au prix des carburants, n’a pu empêcher qu’ils montent illico, et leur mouvement vers le haut va se poursuivre. La hausse de l’abonnement de France Télécom de 3,6 % que vient d’accepter le gouvernement va alourdir la facture des consommateurs de 180 millions d’euros. M. Raffarin n’a pas encore arrêté le niveau d’augmentation des tarifs EDF, mais, pour les Français, la note se chiffrera en centaines de millions d’euros. La Poste réclame, elle, une augmentation du prix du timbre, de 0,46 euro à 0,50 euro. Au total, donc, les sommes qui rentrent et sortent de la poche des Français, pris dans leur ensemble, vont s’équilibrer.
Si le gouvernement n’en est pas responsable, il l’est de la redistribution des richesses qui va s’opérer lors de cette grande entrée/sortie. La baisse d’impôt va profiter aux 10 % des Français qui paient 70 % de l’impôt sur le revenu, car ils encaisseront une bonne remise, tandis que les plus démunis ne bénéficieront que de quelques dizaines d’euros, mais paieront leur essence et leur téléphone plus cher. C’est un choix politique.
source : www.lemonde.fr