La LEN, défendue par la ministre déléguée à l’Industrie Nicole Fontaine, présente en effet l’internet («communication publique en ligne») comme un «sous-ensemble de la communication audiovisuelle et complète à cet effet l’article 2 de [1986] relative à la communication», selon l’exposé des motifs préparé le mois dernier la ministre déléguée. «Par rapport aux services de télévision et de radio diffusés par voie hertzienne ou par câble, la communication publique en ligne se caractérise par le fait qu’elle est « transmise sur demande individuelle »», poursuit Nicole Fontaine.
Une réticence largement partagée par les acteurs de l’internet
Cette définition répond surtout aux sirènes du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui réclame une tutelle totale ou partielle sur la régulation du « PIF », le paysage internet français.
Le premier à s’opposer, diplomatiquement, à cette tutelle du CSA est le rapporteur de la commission des affaires économiques, le député UDF du Lot-et-Garonne Jean Dionis du Séjour. Au nom de ses collègues, dans son rapport rendu la semaine dernière, il a milité pour modifier cet article 1. Il a motivé cette volonté hier en séance publique, premier jour d’examen de la LEN par les députés: «Pour la commission, ce rattachement n’est pas opportun», a expliqué le député. «Un consensus très large s’est dégagé sur ce point parmi les personnes auditionnées: aussi bien les industriels du secteur que les milieux associatifs (…), ont manifesté leur réticence.»
Le député UDF rejoint ainsi les observations du Parti socialiste, dont le député Christian Paul considère que ce serait une «erreur d’appréciation». «On s’éloigne là du commerce électronique», a-t-il dit en séance publique en interpellant Nicole Fontaine. «Vous-même, madame la ministre, devant la commission des affaires économiques, avez ouvert la voie à une régulation par le CSA. C’est un risque de censure qui se profile pour ce nouveau moyen d’expression.»
Reste que l’autre Commission qui a passé le projet de loi Fontaine au crible, celles des Lois, considère la tutelle du CSA comme «tout à fait acceptable», d’après sa rapporteuse, la députée UMP des Alpes-Maritimes Michèle Tabarot.
L’idée d’un « CSA de l’internet » divise également
Sur ce point, les acteurs du commerce électronique comme de l’internet « non marchand » sont sur la même longueur d’ondes. Tant du côté de la ligue Odebi (qui fédère des collectifs d’internautes de services à haut débit) que pour l’association pour un « internet solidaire » (Iris), la tutelle du CSA est jugée dangereuse. Même son de cloche chez les marchands: l’Association pour le commerce et les services en ligne (Ascel), dont la plupart des acteurs du e-commerce français sont membres actifs, «est opposée à toute référence à l’audiovisuel, ce domaine n’ayant pas de liens avec le domaine des services en ligne», a-t-elle affirmé lundi dernier.
En revanche, la modification apportée par le député UDF du Lot-et-Garonne, encore en discussion, ne ferait pas l’unanimité parmi les associations citoyennes: créer une sorte de CSA de l’internet; le «Conseil supérieur de la communication publique en ligne» qui serait chargé d’«adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication publique en ligne, des recommandations relatives au respect des principes énoncés» dans la LEN.
Le texte a été adopté par les députés dans la nuit de mercredi à jeudi. Son examen par les sénateurs en première lecture est prévu pour la fin du mois d’avril.