Le CDI n’est pas le sésame que l’on croyait. Quand Michel Blé, conducteur de machines à l’usine de Renault-Cléon en Seine-Maritime s’est présenté mardi matin à son travail à 5h30, son badge avait été désactivé et sa présence n’était plus souhaitée. Pourtant, depuis moins de 24 heures, il était passé du statut d’intérimaire à celui de titulaire.
En contrat d’intérim depuis plus de dix-huit mois dans cette usinespécialisée dans les moteurs et les boîtes de vitesse, l’ouvrier avait
demandé la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée. Sa demande, déposée devant le tribunal des Prud’hommes d’Elbeuf le 2 décembre dernier a été jugée lundi matin. Et Michel Blé a obtenu gain de cause. L’usine Renault n’avait pas respecté les délais de carence entre chaque renouvellement de mission. La règle veut en effet qu’une personne ayant, par exemple, travaillé trois mois dans une société, n’y travaille plus pendant un mois -un tiers de la durée du contrat- avant de se faire réemployer. Michel Blé avait, lui, quasiment enchaîné les missions.
Le cas de nombre d’intérimaires
Mais alors qu’il s’attendait à passer son premier jour à l’usine en tant que CDI, il s’est vu refuser l’accès à son poste. Refus constaté par huissier. Le syndicat CGT a saisi l’inspecteur du travail de l’affaire. C’est par huissier également que Michel Blé a appris que Renault mettait fin à sa mission immédiatement. « Mais entre temps, nous lui avions donné un mandat syndical, explique Gilles Havez, secrétaire général du syndicat CGT de l’usine. « Nous voulions qu’il travaille avec nous sur les problèmes des salariés qui comme lui, sont en situation précaire, et leur faire connaître leur droit ».
Un mandat syndical que la direction de Renault-Cléon conteste. Elle a d’ailleurs saisi le tribunal d’instance et ne reconnaît pas ce mandat qui mettrait l’ouvrier à l’abri d’un licenciement. Elle a également fait appel du jugement des Prud’hommes. Selon le groupe Renault, Michel Blé n’avait pas été embauché à chauqe fois pour les mêmes missions et l’argument du délai de carence ne serait alors pas recevable.
Gilles Havez s’est étonné de voir « Renault, qui se veut une entreprise citoyenne, ne pas appliquer une décision de justice ». Selon le syndicaliste, le nombre d’intérimaires travaillant en permanence à l’usine serait de 900 sur un effectif de 5000 salariés à statut Renault, « avec même des pics pouvant aller jusqu’à 1500 intérimaires ». Selon la direction, seuls 600 intérimaires travaillent sur le site de Cléon « alors qu’ils étaient 1300 en juillet 2002 ». Le groupe Renault se défend bien de vouloir jouer de la précarisation de l’emploi en avançant la politique de recrutement ambitieuse menée dans cette usine : « 1500 embauches ont été réalisées en quatre ans et 210 sont encore prévues pour 2003 ».