La Cnil vient d’identifier et de dénoncer au parquet de Paris les sociétés les plus nuisibles en France, en matière d’envois massifs de messages non sollicités (« spam » en jargon). Parmi quatre annonceurs, la Cnil a donc pris pour cible le prestataire de services ABS, tombé pour l’exemple et surtout pour avoir joué sur les « deux tableaux »: avoir abusé de l’envoi massif de courriers électroniques pour… faire la promotion de ses logiciels «aspirateurs d’e-mails».
La prospection commerciale automatique sans consentement préalable (automates d’appel, fax ou e-mails) n’est pas encore formellement interdite, mais c’est ce que prévoit la loi sur l’économie numérique, qui sera débattue devant le Parlement en décembre. En revanche le fait de récolter des adresses de manière déloyale est déjà interdit, c’est pourquoi les « aspirateurs » d’adresses, à la recherche des arobases « @ » dans les méandres de l’internet (newsgroups et pages web), sont dans le collimateur.
Jusqu’à 40000 adresses à l’heure
ABS n’est pas un cas isolé; la Cnil précise d’ailleurs dans son rapport que ces dénonciations ont un caractère «exemplaire».
Les éditeurs de logiciels parlent rarement de « spamming » mais emploient plutôt le terme plus large d' »e-marketing ». La société Goto Software, basée à Hem (Nord-Pas-de-Calais) et créée en 2001, propose ainsi un logiciel « expert » qui permet d’extraire «jusqu’à 40000 adresses à l’heure» à partir de «l’un des fichiers de prospects les plus riches et les plus fiables, avec ses 20 millions d’adresses: l’annuaire électronique», explique-t-elle dans un communiqué.
Contacté par ZDNet, l’éditeur n’a pas retourné nos appels pour nous en dire un peu plus sur cet « annuaire électronique » qui, a priori, doit être celui de France Télécom (qui recense surtout des numéros de téléphones). Pour compléter sa panoplie, Goto Software propose également un programme d’envoi en nombre au nom évocateur, qui permet d’envoyer en masse des messages électroniques avec «personnalisation des contenu et entête du message à partir de vos fichiers d’adresses» et «cadencement sur-mesure». Bref, tout l’attirail pour le prospecteur professionnel à petit budget qui vit avec son temps…
Les éditeurs informent leurs clients des risques
Certains éditeurs préviennent clairement leurs clients commerçants sur les risques qu’ils encourent. C’est le cas de la société lilloise Proxymis Multimédia, créée début 2002 et dont le slogan est «l’internet comme j’en rêvais» (sic). Elle propose ainsi un logiciel de prospection qui capture sur le web «des champs raison sociale, adresse, numéro de téléphone, Fax, ville, département, secteur d’activité, e-mail , site web, logo».
Une fois la base de données réalisée, le programme permet de trier les informations et ensuite d’envoyer en conséquence des e-mails en masse. Un logiciel qui flirte avec la légalité; en tant que tel il reste en vente libre mais sa fonction est clairement contestable. L’éditeur en fait d’ailleurs clairement mention sur son site: «Attention avant d’utiliser ce produit, veuillez-vous renseigner sur la législation sur la collecte des emails dans votre pays» (…) [son utilisation] en France dans un but commercial n’est pas autorisée suivant les directives de la Cnil».
Une transparence qui est cependant loin d’être partagée. Pourtant, dans son rapport intitulé « Halte au spam » (section «Règles à respecter par les professionnels»), la Cnil est très claire: «Ne faites pas de prospection électronique à partir des adresses de messagerie électronique collectées dans les espaces publics de l’internet. C’est interdit!», explique la Commission.
«Utilisez exclusivement, à des fins de prospection commerciale, les mails collectés de manière loyale, c’est-à-dire au minimum lorsque la personne a été informée d’une telle utilisation et mise en mesure de s’y opposer directement lors de la collecte de cette donnée.»
source : www.zdnet.fr