«Tenir le cap.» Sans surprise, la droite a d’abord jugé, par la voix du rapporteur Louis Souvet, le texte à la fois «pragmatique et équilibré». La gauche a dénoncé, elle, par l’intermédiaire de Gilbert Chabroux (PS) ou de Guy Fischer (PCF), une loi «de régression sociale». Et le ministre des Affaires sociales a exprimé son «sentiment qu’avec ce projet volontariste et équilibré, nous tenons le cap».
Mais au-delà de ces postures attendues, le rapport de la commission des affaires sociales s’interroge. Le temps d’astreinte, celui où le salarié reste chez lui mais à disposition de son employeur, est-il assimilable à du temps de repos ? Il ne faut pas que «cette disposition puisse s’interpréter comme un quelconque signal s’apparentant à une baisse de la vigilance du législateur sur l’utilisation de l’astreinte, qui demeure contraignante et doit donc être encadrée», estime Louis Souvet. Il souligne «la faiblesse des garanties légales encadrant sa mise en oeuvre». Et suggère même au gouvernement d’«inviter dès à présent les partenaires sociaux à préciser le régime des astreintes par la voie de la négociation interprofessionnelle», faute de quoi il conviendrait de «fixer dans la loi les garanties minimales, notamment en termes de contreparties». Certains syndicats commencent en effet à s’inquiéter de la modification adoptée par l’Assemblée, la CFTC allant jusqu’à mettre en garde contre le «risque de voir les salariés devenir taillables et corvéables à merci».
Confiance. Au ministère des Affaires sociales, on plaide la bonne foi. «C’est un récent arrêt de la Cour de cassation qui a rendu indispensable cet amendement sur les astreintes. S’il fait jurisprudence, les astreintes seront assimilées à du temps de travail, et le salarié aura des droits à récupération sans même avoir travaillé !» Pour la Rue de Grenelle, il s’agirait donc d’une tempête dans un verre d’eau.
Il est un autre chapitre où les sénateurs trouvent que leurs collègues députés ne font pas suffisamment confiance aux partenaires sociaux : les cadres. La loi Aubry en distinguait trois catégories : les dirigeants, exclus de la réduction du temps de travail (RTT), ceux qui sont intégrés dans des équipes et bénéficient du même régime que les autres salariés, et, enfin, les autres pour lesquels la RTT peut être comptée en jours.
Recours. François Fillon avait initialement envisagé d’ouvrir largement cette troisième catégorie. Devant la réaction des syndicats, en particulier la CGT et la CGC, il n’a pas repris cette suggestion dans son projet de loi. Les sénateurs reviennent à la charge. Ils proposent de renvoyer aux partenaires sociaux le soin de définir ceux qui, parmi les cadres et les non-cadres, «disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées». S’il était voté, un tel amendement ouvrirait largement les possibilités de recours au forfait-jours.
Enfin, les sénateurs proposent une modification du compte épargne-temps qui devrait satisfaire les syndicats. Ils souhaitent limiter à cinq par an le nombre de jours de congés qui pourraient être reportés d’une année sur l’autre et compensés en argent.
source : www.liberation.fr