COMITE D'ENTREPRISE

Mouvement de grève du personnel des plates-formes sucrières

 

La grève des ouvriers du Centre technique interprofessionnel de la canne et du sucre, débutée hier matin, n’aura finalement duré qu’une journée. Après plusieurs heures de négociation entre les différents acteurs de la filière canne, un protocole d’accord a été défini en milieu d’après-midi, ce qui devrait permettre à la campagne sucrière de poursuivre normalement son cours.

LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE

A l’origine de ce mouvement de protestation : l’agression d’un planteur par un opérateur du CTICS, vendredi dernier sur la plate-forme de Beaufonds, suite à un différend portant sur la qualité de l’échantillonnage. Celui-ci, effectué à l’aide de sondes, permet de mesurer la teneur en sucre des cargaisons de canne et donc de définir le montant de rémunération des planteurs. Une opération délicate qui, depuis des années, est au coeur de très nombreux litiges. Celui de vendredi s’est malheureusement traduit par une procédure de licenciement pour faute grave à l’encontre de l’agresseur. “Cela fait huit ans que je me bats contre la violence sur les plates-formes, explique François Brelle, directeur du CTICS. Je ne pouvais donc tolérer chez moi ce que je combats chez les autres.” Si les ouvriers du CTICS ont en majorité admis qu’il y a eu dérapage sur la plate-forme de Beaufonds, ils ne pouvaient accepter le licenciement d’un des leurs sans dénoncer les pressions dont ils sont quotidiennement victimes. “Il n’y a qu’un mot pour résumer ce qui nous motive : le respect. Nous ne sommes pas en guerre contre les planteurs, mais ceux-ci doivent apprendre à respecter les ouvriers chargés des échantillonnages”, insiste Jean-Noël Adras, technicien au sein du CTICS et délégué FO. Loin de jeter la pierre à son personnel, François Brelle a tenu, hier, à jouer un rôle majeur dans les négociations : “Je comprends ce mouvement de grève. D’une manière ou d’une autre, il devenait urgent d’inscrire à l’ordre du jour le problème de la sécurité sur les plates-formes. Dans leur très grande majorité, les échantillonnages se passent bien. Mais il y a encore trop d’insultes qui fusent et de pressions exercées sur mes opérateurs.” En présence de représentants syndicaux des planteurs, une sorte de charte de bonne conduite a donc été définie hier après-midi. Objectif : sanctionner le moindre dérapage, qu’il soit verbal ou physique. C’est ainsi qu’en cas d’insulte ou de menace, le planteur sera interdit de présence dans la zone d’échantillonnage durant deux jours de livraison et sera rémunéré sur la base de la plus basse richesse (c’est-à-dire le plus faible taux de sucre) enregistrée le jour même. En cas d’intimidation avec arme (fusil, sabre à canne, etc.), l’exclusion de la plate-forme pourra durer jusqu’à deux semaines. Enfin, en cas de violence physique, le planteur fautif pourra être interdit de présence sur les plates-formes pendant toute la campagne sucrière.

LA MÉFIANCE EST TOUJOURS DE MISE

Hier, Nicolas Alaguirissamy, président des Jeunes agriculteurs, se disait globalement satisfait de cet accord. Mais selon lui, tous les problèmes seraient loin d’être réglés : “L’incident survenu vendredi dernier était prévisible. C’est vrai que les employés du CTICS subissent des pressions. Mais c’est vrai aussi que les conditions dans lesquelles sont réalisés les échantillonnages doivent être au plus vite révisées.” Bref, la méfiance est toujours de mise du côté des planteurs qui, plus que tout, redoutent de ne pas être rémunérés à un juste niveau. “On en a marre de ce manque de confiance à l’égard du personnel du CTICS, intervient Jean-Noël Adras. Quand un planteur se rend dans un laboratoire pour une analyse de sang, a-t-il des doutes sur le résultat obtenu ? Non. Alors, pourquoi met-il toujours en cause le résultat des échantillonnages ?” A moins d’adopter un nouveau procédé susceptible de satisfaire tout le monde, cet étonnant dialogue de sourds a toutes les chances de perdurer.


UN PROTOCOLE D’ACCORD « PROVISOIRE » SELON LA CGPER

Ambiance plutôt morose hier à Beaufonds. Sur la route qui mène vers la zone industrielle, les tracteurs, avec leurs chargements, ne pouvaient avancer. Aucune âme qui vive autour de la plate-forme de réception des cannes, totalement vide. Le moteur de la balance qui, d’habitude, tourne pratiquement 24 heures sur 24 est éteint, les pinces géantes sont à terre.
Face à la grève du personnel du CTICS, les planteurs présents hier sur le site de Beaufonds ont déclaré qu’ils se sentaient comme “pris en otages”. Leur porte-parole, Jean-Yves Minatchy, a déploré “les conséquences graves du mouvement qui intervient à un moment où la campagne 2002, déjà médiocre, commence un peu à remonter la pente.” Et le président de la CGPER, qui estime la situation “très inquiétante”, de faire remarquer que les pertes financières par jour de grève se chiffrent par millions de francs pour l’ensemble de la filière. Sur la plate-forme de Beaufonds, on sait que 800 planteurs — essentiellement de l’Est — y transportent près de 2 400 tonnes de cannes par jour. A propos de l’accord conclu hier en fin d’après-midi, Jean-Yves Minatchy a déclaré qu’il ne s’agit que d’un “protocole provisoire, destiné à débloquer la situation”. “On n’accepte pas les termes de ce document qui semble attribuer toutes les fautes aux planteurs”. Selon le dirigeant syndical, il sera quand même appliqué, “afin que la campagne puisse se dérouler durant les huit dernières semaines. Un autre protocole d’accord, le vrai, sera débattu lors de la prochaine campagne”, a-t-il promis.

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