Le bâtiment blanc fait partie de la résidence pour personnes âgées de Carbon-Blanc. Depuis juin, il héberge la cellule de reclassement des salariés licenciés de CBSA-Chambourcy. A l’agonie agitée de l’entreprise de produits laitiers, mise en liquidation en avril dernier, a succédé une phase studieuse. Sur les 247 anciens employés de l’usine, 204 fréquentent aujourd’hui la cellule.
Dans l’entrée, sous des luminaires blanc et orange vif, un comptoir avec des journaux et une cafetière allumée en permanence, un ordinateur; sur des panneaux, des offres d’emploi et des articles de presse. Le local est le cadre d’un va-et-vient permanent; les salariés en rendez-vous y croisent ceux qui passent pour dire où ils en sont de leurs démarches. Dans les bureaux adjacents sont installés les cinq employés de PBC, le cabinet d’ingénierie et d’accompagnement social choisi par le comité d’entreprise de CBSA. Son rôle : favoriser le reclassement de chaque salarié.
Trois solutions. « Ici, nous trouvons un support moral et pédagogique, se félicite Dominique, cigarette aux lèvres. Ils nous épaulent pour préparer les entretiens, envoyer des lettres de motivation. » Pour tous ces licenciés, le dialogue avec PBC a commencé avec des réunions d’information par groupes de trente personnes, puis par groupes de dix. Avant les rendez-vous individuels débouchant en principe sur un projet professionnel.
Chacun de ces anciens chauffeurs, secrétaires, opérateurs de conditionnement, cadres logistiques ou commerciaux, caristes, se trouve alors face à trois solutions : la recherche d’un nouvel emploi salarié, une période de formation pour une mise à niveau ou pour une reconversion, la création de sa propre entreprise.
Traumatisme. Certains sont arrivés à la cellule de reclassement traumatisés par les changements successifs de propriétaire de l’usine et par le conflit social du printemps. Nombre d’entre eux, âgés de 40 à 50 ans, étaient chez CBSA-Chambourcy depuis quinze ou vingt ans. Parfois au même poste. La lettre de licenciement a écorché leur moral. Ils ont douté.
« On les aide à prendre confiance en eux en dehors de leur société, explique Anne Brun, du cabinet PBC. Peu à peu, ils constatent qu’ils ont un savoir-faire professionnel transposable à d’autres entreprises. » Claude Michaud, 48 ans, vingt-six ans d’ancienneté, raconte : « Il y a eu l’état de choc, mais on y était tout de même préparé. Il a fallu en faire le deuil et repartir. Du bilan de compétences, je suis ressorti avec une certaine confiance. Il faut regarder devant. »
La recherche d’un nouvel emploi se fait en collaboration avec l’ANPE, les municipalités, les services publics de l’emploi. Elle tient compte d’une mobilité limitée : 90 % des intéressés souhaitent rester en agglomération bordelaise. En deux mois, 288 entreprises girondines ont été contactées. Certaines ont même appelé spontanément la cellule de reclassement pour présenter des offres d’emploi. Suit la mise face à face du profil des uns et des besoins des autres. Avant les entretiens d’embauche. « C’est souvent une découverte pour eux, alors on les entraîne à cet exercice », dit Anne Brun. « Comment dois-je m’habiller ? », s’interroge un candidat à un entretien. Quelle attitude tenir en face d’un possible futur employeur ? Philippe témoigne : « Quand on ne trouve pas d’offre correspondant à notre profil, on se rabat sur un profil inférieur, mais les employeurs s’interrogent sur cette dévalorisation. »
Premier bilan. Pour certains salariés, la recherche d’un nouvel emploi est précédée d’une mise à niveau. La majorité des caristes de CBSA avaient une licence périmée. Une quinzaine ont été inscrits à des stages en entreprise. Avec l’espoir qu’il débouche sur une embauche ferme. D’autres personnes ont été orientées vers une formation longue. Claude Michaud, titulaire à l’origine d’un brevet professionnel de l’industrie laitière, travaillait à la fin au service recherche et développement de CBSA. Les pouvoirs publics ayant accepté de financer les formations, il prépare, sur un an, un master en management des systèmes technologiques. « Vu mon âge et mon cursus, je veux rester dans l’agroalimentaire », dit-il.
Aux premiers jours d’octobre, la cellule de reclassement faisait état de quarante salariés ayant trouvé un nouvel emploi, de trente-sept salariés auxquels une proposition a été faite mais qu’ils ont refusée (ils s’en verront formuler une nouvelle), de vingt et une personnes en formation et de six qui ont choisi de créer leur propre activité. La CGT parle de résultats « encore bien minces » à un moment où la conjoncture se dégrade. Mais la mission de la cellule court jusqu’en mars : « D’ici là, on aura trouvé une solution pour tout le monde. »
source : www.sudouest.com