COMITE D'ENTREPRISE

Sotapharm: le patron était en or

Le 4 septembre dernier, ce sont quelque 300 000 euros que les 108 salariés, ainsi que quelques retraités, se sont partagés en fonction de leur ancienneté dans l’entreprise. En moyenne, 1 000 à 2000 euros par héritier, «net d’impôts». Pour certains, c’est beaucoup plus d’un salaire. Pour tous, dans l’usine qui produit des ampoules de verre à usage pharmaceutique, c’est une grande surprise. Mais finalement, «connaissant le personnage, c’était pas étonnant» explique Pascal, chef d’équipe, entré dans la boîte pour son premier boulot, il y a 26 ans, comme aide-régleur. Le patron était un généreux. «Quand je lui rapportais qu’un ouvrier avait eu une bonne idée pour l’utilisation d’une machine, il le convoquait immédiatement et lui faisait un chèque», explique Daniel, cet ancien d’une grande multinationale, directeur technique, dans la «famille» depuis 1989. Dans l’entreprise, les employés ont, en moyenne, treize ans d’ancienneté. Claude Dehaie savait s’attacher ses salariés : une montre et une prime offertes après dix ans, une médaille pour les vingt ans, et toujours un chèque. En plus des primes biannuelles, calculées en fonction des résultats, qu’il concédait à ses employés, en guise de treizième mois.

Gueulard sympa. Ancien ouvrier chez Renault, Claude Dehaie connaissait tous ses employés par leur prénom. Le matin, «il avait toujours une boutade» pour chacun d’eux, se souvient Anita, 28 ans de labeur, embauchée comme machiniste en 1974, aujourd’hui responsable du contrôle général. «Gueulard mais sympa» : il arrivait à Claude Dehaie d’ouvrir la fenêtre de son bureau, qui donnait sur l’atelier, pour invectiver un employé maladroit. En effet, «pour lui tout devait aller dans le sens de l’entreprise», rappelle Pascal. D’ailleurs, quand il a pris l’initiative de monter une cellule syndicale CGT dans l’atelier, le patron, après avoir dissuadé les collègues qui lui avaient apporté leur soutien, a fini par lui expliquer que «ça n’allait pas».

Ni comité d’entreprise, ni syndicat jusqu’au milieu des années 90, période où la société (avec tout ce secteur d’activité) connut de sérieuses difficultés liées à la vague de déremboursement de nombreux médicaments opérée par la Sécurité sociale. Alors le président a laissé s’organiser une représentation CFDT, toute symbolique, et un comité d’entreprise, pour négocier légalement une baisse du temps du travail dans le cadre de la loi Robien.

Pour éviter des licenciements, tous les employés, «soucieux et solidaires», ont fait front commun avec leur patron et accepté la baisse de salaire, et se sont fait garantir un treizième mois. Jusque-là, il n’y avait pas de négociations institutionnalisées à Sotapharm, tout se passait dans la Trinité du père, des fils et de l’entreprise. Et tout le monde était content. Pour lui «le dialogue social, c’était tous les jours», raconte Thierry Cha morot, le gendre qui a pris la relève à la tête de l’entreprise familiale, pendant que l’aîné dirige Alma, le pôle commercial, à Paris.

«Respect». «C’était pres que mon deuxième père», confie Pascal, l’ex-futur syndicaliste. Selon Daniel, il était toujours prêt, en cas de problème, à «avancer de l’argent sans jamais le récupérer». «Toute la société a un très grand respect pour lui. C’était un homme hors du commun. Quand il y avait un problème, sa porte était toujours ouverte», reprend Anita, qui ne tarit pas d’éloges. Et de se souvenir de cette soirée sur les bateaux-mouches, organisée par Claude Dehaie pour les employés et leur conjoint, à l’occasion de son soixantième anniversaire, où elle a dansé avec le PDG : «un vrai boute-en-train, dommage que je n’ai pas apporté la photo !», regrette-t-elle. Aujourd’hui, pour le gendre-président Chamorot, l’objectif est clair : «On va tout faire pour rester une société familiale, dans le même état d’esprit.» Le chéquier en moins.

source: www.liberation.fr

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