Le répit aura été de courte durée. Vingt-quatre heures après l’achèvement de la grève de quatre jours menée par les pilotes d’Air France, de nouveaux arrêts de travail devaient avoir lieu mercredi 11 septembre, à l’appel de la CGT, SUD-aérien, Ugict et Alter.
Ces quatre syndicats entendent marquer leur opposition à la privatisation de l’entreprise, alors que s’est ouverte, mercredi à 9 h 30, une session du comité central d’entreprise (CCE) de deux jours, au cours de laquelle Jean-Cyril Spinetta, le PDG de la compagnie, doit officiellement lancer le chantier du changement de statut. Les quatre syndicats invitaient à manifester à 11 heures au siège de la compagnie, à Roissy, ainsi qu’aux aéroports d’Orly et de Toulouse-Blagnac.
« Nous considérons que la privatisation d’Air France n’est pas un phénomène inéluctable, qu’elle ne se justifie pas, et que les exemples de passage au privé d’entreprises de transport sont rarement convaincants,explique Guy Ferrer, représentant d’Alter. Les salariés, par exemple ceux de l’informatique, de l’entretien ou de l’assistance dans les aéroports, ont tout à craindre d’un processus qui se traduit habituellement par des filialisations et des externalisations. » Selon la direction, le trafic devrait pourtant être « normal » mercredi, même si SUD-aérien a estimé mardi que « certains vols pourraient subir des retards ». Air France rappelait mardi que l’annulation de ses deux vols à destination de New York et de Washington était due au nombre insuffisant de passagers candidats au voyage vers les Etats-Unis en ce jour de commémoration des attentats du 11 septembre 2001.
Pour M. Spinetta, la première session du CCE depuis l’annonce par le gouvernement, le 29 juillet, de la réduction de la participation de l’Etat dans le capital d’Air France est d’abord l’occasion d’informer officiellement les représentants des salariés du projet. Conformément au communiqué publié par l’entreprise le 29 juillet, le PDG devrait présenter la privatisation comme « une évolution normale et une suite logique de l’ouverture du capital réalisée en 1999 ».
M. Spinetta devrait aussi rappeler que la décision de Bercy doit permettre à Air France « d’aborder dans les meilleures conditions l’intensification de la compétition internationale » et de jouer « un rôle majeur »dans un secteur en pleine consolidation comme « pilier européen de l’alliance Sky Team ». Surtout, M. Spinetta devrait rassurer ses salariés sur le maintien de leurs droits acquis, une garantie particulièrement attendue par le personnel.
« L’opération se fera en concertation avec les partenaires sociaux et ne remettra pas en cause les droits acquis des salariés, assurait la direction le 29 juillet. Le contenu de leur statut en particulier sera transposé dans des accords collectifs négociés avec les organisations syndicales. » Depuis cette date, M. Spinetta a, de source syndicale, multiplié les entretiens individuels avec les différents responsables syndicaux. Selon Sylvain Chazal, président de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) d’Air France, la direction de l’entreprise se serait engagée, lors de ces entretiens, à respecter l’accord signé le 10 juillet avec l’ensemble des organisations, à l’exception de la CGT et de SUD, et garantissant le maintien du périmètre de l’emploi à Air France pour une durée de trois ans.
Cet accord prévoit qu’il n’y ait, pendant cette durée, ni externalisation ni sous-traitance pour ses quatre principaux métiers associés (industrie, maintenance, fret, informatique). Elle s’engage « à ne procéder à aucun départ non volontaire collectif pour motif économique ». En cas de crise internationale du secteur, les décisions pouvant affecter l’emploi seront prises en commun avec les syndicats. Plusieurs mesures portent sur la gestion des carrières, la formation professionnelle et la mobilité des salariés.
Toujours de source syndicale, le CCE pourrait aussi être, pour M. Spinetta, l’occasion de préciser la durée pendant laquelle Air France gardera son statut actuel, et donc pendant laquelle les salariés conserveront leurs droits acquis, avant que les conventions collectives concernant les personnels navigants commerciaux et techniques soient établies et celle des personnels au sol actualisée. D’après M. Chazal, « Air France pourrait garder son statut actuel pendant dix-huit à vingt-quatre mois », soit le temps nécessaire estimé pour négocier et mettre en place ces accords collectifs. Le président d’Air France devrait enfin apporter des garanties sur la volonté de la compagnie de renforcer l’actionnariat salarié à travers l’opération. Le communiqué publié par Bercy le 29 juillet annonçait que « le principe de la participation des salariés à la gestion de l’entreprise sera maintenu » et que « les salariés auront la possibilité d’accroître leur place dans le capital en souscrivant à une offre qui leur sera réservée dans le cadre de l’opération ». Actuellement, les salariés d’Air France détiennent 13 % du capital de la compagnie.
Les annonces faites par M. Spinetta viendront compléter les informations apportées par Gilles de Robien, le ministre des transports, qui s’est exprimé mardi 10 septembre à l’antenne d’Europe 1. « Dans les semaines qui viennent, il y aura un texte de loi à l’Assemblée nationale et au Sénat, a annoncé le ministre. Ce texte, lorsqu’il sera promulgué, permettra au gouvernement, au moment qu’il choisira, de mettre une partie du capital sur le marché. » Selon M. de Robien, la part du capital détenue par l’Etat, qui s’élève actuellement à 54,4 %, sera alors abaissée « probablement » entre 20 % et 25 %, soit un pourcentage légèrement supérieur au plafond de 20 % jusqu’alors évoqué.
M. de Robien n’a rien dit concernant la date à laquelle l’opération de cession aurait lieu. Les conditions du marché sont actuellement peu favorables. L’action de la compagnie a terminé mardi à 11,70 euros, nettement en dessous de son cours d’introduction (14 euros). Le même jour, le courtier Schroder Salomon Smith Barney a ramené son objectif de cours sur la compagnie aérienne de 19 à 17 euros. Les marchés attendent de voir comment la direction va composer avec le regain de pression syndicale qui l’affecte actuellement.
Une mosaïque de syndicats
On compte pas moins de 19 organisations syndicales au sein de la compagnie aérienne nationale, pour lesquelles l’annonce de la « réduction de la participation de l’Etat dans le capital » a été très diversement accueillie.
Personnels au sol. Onze syndicats représentent les personnels au sol de la compagnie : la CGT et l’Ugict (CGT des cadres), FO et le syndicat des cadres Force Ouvrière, la CFDT, la CFTC, la CGC, le Syndicat national des mécaniciens au sol de l’aviation civile (SNMSAC), l’Union des syndicats autonomes (UNSA), SUD-aérien et le Syndicat des travailleurs corses (STC).
Personnels navigants. Huit syndicats représentent les personnels navigants de la compagnie : le Syndicat national des personnels navigants commerciaux (SNPNC), l’Union des navigants de l’aviation civile-CGC (Unac-CGC), le Syndicat des personnels de l’aviation civile (SPAC), le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), le Syndicat national des ouvriers et mécaniciens de l’aviation civile (Snomac), le Syndicat des pilotes d’Air France (SPAF), le Syndicat national des personnels navigants de l’aviation civile (SNPNAC) et Alter.
source : www.lemonde.fr