«Si jamais Blizzard gagne, ce sera la fin de l’interopérabilité’ [la capacité d’un logiciel à travailler avec un autre logiciel] sur Internet.» Pour Rob Crittenden le cas est clair : il se défend contre le monopole et l’assèchement du web. Et en cela, l’Electronic Frontier Foundation (EFF), une organisation qui lutte pour conserver un Internet libre et ouvert, lui emboîte le pas. L’homme, développeur de son état, est aujourd’hui poursuivi avec son collègue Ross Combs pour «violation de droits intellectuels». Le plaignant est l’éditeur de jeux informatiques Blizzard Entertainement, qui appartient à Vivendi Universal.
L’histoire est simple, explique «Salon Magazine». «Blizzard dispose d’un site, battle.net, auquel se connectent une multitude de joueurs possédant tous une version d’un jeu créé par Blizzard par exemple Starcraft ou Diablo et désireux de jouer en réseau.» Or, écrit le périodique américain, ce site est notoirement lent et bogué. En outre, certains joueurs trichent en introduisant des logiciels qui normalement ne figurent pas dans le jeu. «Combs et Crittenden ont donc développé un logiciel ouvert, BNETD, dont le code est entièrement public, qui est sûr et qui peut facilement être installé sur un serveur web afin d’accueillir les jeux de Blizzard», poursuit le magazine. Aujourd’hui, Blizzard les accuse de piratage.
Pas d’édition pirate
«Or, s’insurge Rob Crittenden, nous ne volons rien. Pour jouer, avec BNETD ou sur battle.net, il faut absolument acheter un jeu. Cela ne perturbe donc pas les ventes de Blizzard. D’autant que nous ne créons aucune édition pirate. Simplement, les gens jouent sur différentes plateformes.»
«Ce cas me rappelle un peu celui de Sony qui avait voulu poursuivre le propriétaire d’un chien électronique Aibo parce qu’il avait conçu des programmes rendant son gadget plus performant», explique Cindy Cohn, de l’EFF. A l’époque, l’entreprise japonaise avait eu l’intelligence de laisser faire devant le tollé que son attitude provoquait dans le public.
Blizzard n’a pas cette finesse. La société craint de perdre le contrôle sur ses produits. Avec la sortie de son dernier produit phare, Warcraft III, l’éditeur réfléchit à rendre son site batlle.net payant. L’existence d’un logiciel libre comme BNETD remet en question cette stratégie.
D’un autre côté, la logique de Blizzard peut être comparée à celle d’un fabricant de poupées qui poursuivrait les mères de famille tricotant des petits vêtements pour le jouet de leurs enfants sous le prétexte qu’eux, les fabricants, vendent de tels vêtements.
Et cela peut aller très loin, s’inquiète «Salon Magazine». «Si jamais Blizzard gagne, toutes les formes d’émulation informatique sont remises en cause. En théorie, cela affectera tous ceux qui travaillent à des logiciels ou des produits compatibles avec d’autres logiciels. Le concept même de compatibilité serait à revoir. Ce serait perdre un peu plus qu’une partie de Diablo ou de Warcraft.»
source : www.courrierinternational.com