Doute , malaise et ambiguïté : la session extraordinaire de juillet s’ouvre dans un étrange climat pour la droite, désormais soupçonnée de vouloir solder un certain nombre d’affaires en réformant la prescription d’abus de biens sociaux.
Il semble désormais clair que le « coup d’éponge » ne sera pas donné lors du débat sur le projet de loi d’amnistie, dont l’examen en première lecture démarre, mardi 9 juillet, à l’Assemblée nationale. Le tout premier texte de la douzième législature se veut exemplaire : jamais la liste des délits amnistiables n’a été aussi réduite et, comme le précise le rapport du projet de loi, rédigé par le rapporteur, Michel Hunault (UMP-RPR, Loire-Atlantique), « le gouvernement a expressément exclu toute amnistie des délits économiques et financiers ou en relation avec le financement des campagnes électorales et des partis politiques ». Les socialistes ont brandi régulièrement la menace d’une amnistie politico-financière, mais rien n’est venu.
En revanche, les dirigeants de l’UMP se montrent plus flous sur l’avenir. Si le garde des sceaux, Dominique Perben affirme, dans un entretien au quotidien Les Echos, lundi 8 juillet, qu’il n’y aura « aucun projet d’amnistie pour les délits politico-financiers »dans la loi-programme sur la justice, présentée le 17 juillet au conseil des ministres, – ajoutant même qu’il s’opposera personnellement « à tout amendement » dans ce sens qui pourrait être déposé par les députés -, il reconnaît cependant qu’il « faudra un vrai débat sur la modification des règles qui régissent les abus de biens sociaux », en souhaitant que ce sujet soit examiné un jour » dans un climat apaisé et serein et surtout en toute clarté ».
C’est M. Hunault qui avait sonné l’alerte en déclarant, dans un entretien au Monde (daté du 6 juillet), que l' »on n’échappera pas, un jour, au débat sur le délai de prescription de l’abus de biens sociaux »,avant de préciser qu’une telle discussion pourrait s’ouvrir lors de l’examen du projet de loi de programmation sur la justice, qui débutera au Sénat, après son adoption en conseil des ministres, mercredi 17 juillet. Vendredi matin, 5 juillet, le député de Loire-Atlantique avait également évoqué, au micro de France Inter, un « toilettage » du régime des délits politico-financiers pour « faire cesser l’incertitude juridique ».
RISQUE POLITIQUE
Jusqu’à présent, le président du groupe UMP de l’Assemblée, Jacques Barrot (UMP-UDF), a été le plus explicite : « J’atteste formellement qu’il n’en a jamais été question au sein de notre groupe », a-t-il déclaré dans un entretien au Parisien du 7 juillet, avant de dénoncer la « désinformation » et l' »orchestration » de la polémique. « Le propos de Michel Hunault tient en une seule et petite phrase qui exprime inopportunément une interrogation », a-t-il ajouté.
La droite est face à un dilemme. D’un côté, elle semble « condamnée » à réformer le régime de l’abus de biens sociaux, qui est au centre de la mise en examen d’Alain Juppé dans les affaires visant la gestion de la mairie de Paris, quand Jacques Chirac en était le maire. Par ailleurs, le patronat attend aussi beaucoup de ce « toilettage ». De l’autre, la droite sait qu’elle court là un gros risque politique. Qu’en penseraient les électeurs ? Et comment réagiraient les nouveaux députés de l’UMP, issus de la « génération terrain », qui ne souhaitent pas faire les frais des errements de leurs aînés. A moins que le gouvernement n’arrive à convaincre l’opinion qu’il faut solder les comptes et en finir avec les « affaires ». L’été 2002 semble être le moment le plus opportun, dans cette période d’état de grâce dont bénéficie tout nouveau gouvernement. Attendre un an ou deux pourrait s’avérer périlleux, à la veille des échéances électorales de 2004 – européennes, régionales, cantonales.
Certains considèrent les propos de M. Hunault comme une « malheureuse bourde ». D’autres sont convaincus que le jeune député agit en service commandé – et en fusible – de l’Elysée : n’a-t-il pas pris la défense de Jacques Chirac, dans une tribune publiée dans Le Monde (daté du 9 novembre 2000), en réponse à Arnaud Montebourg (PS, Saône-et-Loire) qui voulait envoyer le président de la République devant la Haute Cour de justice ? A l’époque, M. Hunault avait même suggéré de voter une proposition de loi visant à permettre au chef de l’Etat de « défendre son honneur ». Sans se déjuger, M. Hunault a mis un bémol à ses déclarations, samedi 6 juillet, dans un entretien au Figaro : s’il « persiste » à considérer que l' »imprescriptibilité » de l’abus de biens sociaux et la « durée interminable »des instructions posent problème, il ajoute que le « climat » politique lors de l’examen du projet de programmation de la justice « ne garantira pas la sérénité indispensable à ce type de débat ». Mais le rapporteur n’entend pas se laisser démonter. « Si on me cherche, j’ai préparé une vériTABLE riposte », prévient-il.
Aux socialistes, il rappellera qu' »en 2001 sur les 100 000 condamnations annuelles de peines d’emprisonnement, 37 000 n’ont pas été exécutées ». Il n’oubliera pas son voisin de Loire-Atlantique, et rival, le président du groupe PS de l’Assemblée et maire de Nantes : » A Jean-Marc Ayrault, je dirai que, moi, je n’ai pas été condamné par le tribunal correctionnel pour délit de favoritisme . » Le ton monte entre les deux camps.
Le 9 juillet, les socialistes défendront trois motions de procédure visant à rejeter le texte. Il se pourrait, toutefois, qu’ils en rétrocèdent une à Martine Billard (Verts, Paris). Les Verts, qui se présentent toujours comme les champions de l’éthique et de la transparence, ont décidé de « pousser un coup de gueule », selon l’expression de Noël Mamère (Verts, Gironde), qui devrait être très présent dans les couloirs du Palais-Bourbon.
source : www.lemonde.fr